La neige tombe, doucement mais abondement. Assis dans ma voiture, les jambes engourdies, je regarde autour de moi.

Les talus qui bordent la route sont méconnaissables. Ils arborent un manteau blanc qui m’est étranger. Je lève un peu les yeux. Les arbres ne sont pas en reste, et me font penser à des sculptures de glace, à la fois lisses et fragiles. Je pense aux animaux, et me demande où est ce qu’ils ont bien pu se réfugier, avec un climat aussi glacial et inhabituel dans nos contrées. Je regarde ce paysage, digne d’une carte postale d’une bourgade montagnarde. Le temps semble s’être arrêté, figé même.

Le fait que je n’ai pas avancé du moindre mètre depuis 10 minutes renforce aussi cette impression. J’ai à nouveau un peu froid, et cette sensation stoppe mes divagations. Je rallume mon chauffage et porte mes mains près des grilles d’aérations. Je regarde autour de moi une nouvelle fois. Je vois des voitures, des voitures, et encore des voitures. Deux files entières à ma droite, une à ma gauche. Nous sommes tous prisonniers de nos voitures, et de nos vies. Ne sommes nous pas sur cette autoroute de peur de perdre notre emploi en cas d’absence « injustifiée » ? Je regarde mon compagnon de galère, dans la voiture d’à côté, et me demande à quoi il pense à cet instant précis.

Soudain, une pensée me vint à l’esprit. Ou plutôt, une sorte d’illumination. J’ai l’impression tout d’un coup d’être un acteur dans le combat qui oppose la nature au progrès. L’Homme qui est proche de mère Nature, mais l’Homme qui cultive et détruit la nature et finalement l’Homme pris au piège de ses inventions, avec en prime le retour de bâton de mère Nature. A peine les flocons se déposent sur mon pare-brise qu’ils sont balayés par les essuies glaces. Mais il en retombe toujours. Et ils sont toujours balayés…

Je regarde ce ballet mécanique et monotone. Je regarde le spectacle orchestré par les hommes et la nature. Et je me demande : attendrons-nous de connaître le vainqueur de ce combat avant d’unir nos forces ? J’espère que non…